Jamela, l’huile d’Argan & la lutte contre la pauvreté au Maroc
Blacktown Commerce équitable et luxe ne constituent nullement un oxymore. Alors que des femmes issues des quatre coins du monde appliquent avec délicatesse de l’huile d’argan sur leur visage, secret cosmétique échangé au creux des oreilles depuis la nuit des temps, d’autres, malheureusement, consacrent leur vie à la production de cet élixir, aux confins du Maroc, sans l’impression que leur condition s’améliore. Daria Kaboli et Vimala Palaniswamy, toutes deux issues du MIT Sloan, tentent de bouleverser la chaîne de valeur associée à cette huile, à travers leur compagnie, Jamela.
slowest Intégration totale de la production d’huile d’argan & capture de la valeur ajoutée
Sur les rivages du monde occidental, un litre d’huile d’argan peut s’échanger jusqu’à 1 000 dollars. Pourtant, sur ce pactole, à peine 10 dollars reviennent au producteur (et plus généralement, aux productrices marocaines). La chaîne de valeur est donc quelque peu déréglée. Les deux entrepreneuses ont décidé de revoir celle-ci, afin de redistribuer jusqu’à 80% de la valeur aux femmes rurales et aux paysans des régions les plus pauvres du Maroc, tout en consacrant 16% des revenus à des projets environnementaux (8% à la reforestation) et sociaux (8% aux systèmes de soins) dans les régions concernées.
Car, comme le font remarquer Daria Kaboli et Vimala Palaniswamy, la pauvreté s’exprime sous plusieurs facettes. Financière d’abord, à travers le traditionnel « seuil » de pauvreté. Mais elle revêt également les oripeaux de l’analphabétisme, d’une inaccessibilité aux soins les plus élémentaires et d’une désertification accrue des zones reculées à cause du manque d’eau. Grâce à un système racinaire profond, l’arganier présente la particularité de pouvoir survivre en terrain hostile, fixer les populations autour de lui et octroyer un moyen de subsistance non négligeable.
Jamela entend fonctionner sur un mode intégré, en rassemblant en son sein les différentes activités de production liées à l’huile d’argan au Maroc (récolte, dépulpage, concassage, nettoyage, presse et conditionnement), puis en s’occupant de l’exportation et de la distribution auprès de spas ou grâce à une boutique en ligne. Le fait d’éliminer au maximum les intermédiaires ou activités externalisées est une réponse à la perte de valeur dans la chaîne habituelle de l’huile d’argan. Les consommateurs auront en outre la possibilité de renvoyer les bouteilles d’huile à Jamela afin de les reconditionner.
Après trois ans de fonctionnement, Daria Kaboli et Vimala Palaniswamy espèrent pouvoir redistribuer 140 000 dollars aux communautés avec lesquelles elles travaillent. Le projet Jamela a été reconnu par la Conférence dédiée à l’Entreprise Sociale d’Harvard et par le Challenge de l’Innovation Sociale créé par Dell.