Muse crée l’événement sur Internet

Muse nouvel album

En utilisant la numérisation de la musique comme instrument Marketing, Muse événementialise la sortie de son prochain album.


Harar Alors que l’industrie du disque est en perte de vitesse significative, les maisons de disque, tout comme certains artistes, font preuve d’une imagination novatrice afin de redynamiser l’intérêt des consommateurs pour ce qui doit rester un événement : la sortie d’un album.

Laascaanood Muse prend le contre-pied de cette tendance en vous invitant à une chasse au trésor planétaire.

Le succès des lecteurs MP3 a fortement diminué l’importance de la date autrefois fatidique qu’était la sortie d’un album (avouons-le, le fameux « Bientôt dans les bacs » ne fait plus autant son effet qu’auparavant…).

La plateforme de vente d’Apple, ITunes, a permis à la numérisation de la musique de connaître un incontestable triomphe, reléguant peu à peu le support physique, c’est-à-dire le CD, au rang d’objet réservé avant tout à des collectionneurs ou aux fans les plus assidus d’un artiste. La seconde conséquence de cette dématérialisation de la musique réside dans la pratique inédite de n’écouter et de n’acheter qu’un seul morceau d’un artiste, souvent au prix symbolique de 0,99€. Or, alors que les fameux « CD 2 titres » constituaient autrefois un argument Marketing, une sorte d’échantillon promotionnel censé intriguer et donner envie d’attendre la sortie de l’album (notamment par la présence d’un second titre qui accompagnait le premier single), les consommateurs, et avant tout les jeunes, remplissent désormais leurs lecteurs MP3 de morceaux isolés, c’est-à-dire qu’ils se contentent bien souvent de ne posséder que le « tube » de chaque album disponible.

S’il est possible de discuter des conséquences musicales de ce phénomène (et notamment de la tentation, pour certains artistes, de mettre en œuvre des « recettes » pour ne faire que des tubes qui plairont au plus grand nombre), il est également intéressant de s’interroger sur les réponses apportées par l’industrie de la musique. Combattre le téléchargement est évidemment la réaction la plus directement visible et la plus ancienne qui ait été mise en œuvre. Or, nous souhaitons discuter ici d’une démarche plus récente, plus subtile sans doute, mais également plus artistique, et qui répond à une question essentielle : comment donner encore envie aux consommateurs d’attendre, d’acheter et d’écouter un album et non seulement le morceau diffusé en boucle sur les ondes ?

Bronte Une chasse au trésor planétaire

museMuse est un groupe britannique qui peut se targuer de posséder une base de fans plutôt solide. C’est donc un combat essentiel pour eux que de conserver cette caractéristique. Leur prochain album, The Resistance, sera mis en vente le 14 septembre prochain. En attendant, leur premier single, Uprising, est déjà disponible. Mais comment ne pas faire de ce titre l’unique morceau que tout le monde enregistrera dans son lecteur MP3, et comment faire de la sortie de l’album le véritable événement ? Bien sûr, il y a la tournée mondiale associée à la sortie de The Resistance. Mais Muse va plus loin en ayant lancé, sur Internet, une gigantesque chasse au trésor. Tout le monde était invité à participer à un jeu, du 13 au 21 juillet, permettant, par le biais de messages à décoder et de codes à récupérer dans 7 villes différentes (Paris, Berlin, Moscou, Dubaï, Hong Kong, Tokyo, puis New York) d’activer à chaque étape quelques secondes (en général un peu plus de 30 secondes par ville) d’une chanson inédite, United States of Eurasia. Cette chanson n’est donc pas le premier single de The Resistance, mais renvoie plutôt à l’album dans son ensemble, en détournant l’attention d’Uprising pour rappeler à tous que le véritable événement aura lieu le 14 septembre. On peut donc la comparer au deuxième morceau d’un CD 2 titres, qui donne envie d’en savoir davantage et de replacer Uprising dans son contexte de création : The Resistance.

Créer l’intérêt et attiser la curiosité

Au-delà de son aspect très ludique, cette opération souligne la prise en compte des fans, et des consommateurs en général, dans la survie de l’album comme création artistique qui fait sens, et non comme simple agrégation de morceaux musicaux sans rapport les uns avec les autres. Cette chasse au trésor permet donc, en faisant languir les fans, de construire une véritable mise en scène, une événementialisation, de la sortie de l’album par le biais d’Internet. Elle renforce également le sentiment d’appartenance à une communauté internationale, caractérisée par la même passion, et qui a vibré, durant toute une semaine, dans la même attente de chaque nouvel extrait de United States of Eurasia.

C’est-à-dire que Muse a bien compris ici que la numérisation de la musique n’est pas nécessairement une menace, réduite au téléchargement légal ou non, mais qu’elle est en soit une arme Marketing forte. Répondre par Internet (le morceau United States of Eurasia était téléchargeable gratuitement sur le site officiel du jeu), voilà le génie de cette méthode. Cela souligne également que l’industrie de la musique – ou tout du moins certains artistes – tente d’apporter une réponse plus graduée, plus artistique, aux pertes sans précédent enregistrées ces dernières années. En faisant rêver et jouer ses fans, Muse a finalement réussi son pari : faire d’Uprising ce qu’il doit être, c’est-à-dire le premier extrait d’une œuvre plus large, l’album.

Benjamin Boeuf est étudiant à ESCP Europe, et suit une spécialisation en Marketing. Consultez son profil ici.

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(2) commentaires

  1. si des groupes comme Muse veulent perdurer dans le temps et s’affranchir des maisons de disques, ce sont par des opérations comme celles-ci qu’ils le feront, ce la me renvoie aussi à Radiohead qui ne sortira plus d’album mais seulement des titres qui seront en téléchargement sur leur site.

  2. En effet, Muse assure pas mal mais les vrais champion du Rock euhhh du Business c’est Radiohead qui a réussi à se débarasser d’un intermédiaire qui captent habituellement la majorité de la valeur : les maisons de disques en distribuant sa musique directement en ligne! (mais aussi d’une partie des studios d’enregistrement puisque tout se passe en live)…

    Se faisant, le groupe récupèrent une partie importante de la valeur et peut se contenter d’un CA moindre!

    J’ai fais un billet sur eux : http://site-communautaire.blogspot.com/2009/09/radiohead-des-entrepreneurs-modeles.html

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