La décroissance, dix questions pour comprendre et débattre (Ed. La Découverte)
En 1971, le Club de Rome émet un rapport énonçant la fin de la croissance économique, pour l’horizon 2020, compte tenu de l’exploitation des ressources énergétiques et agricoles, de l’évolution des populations et de la pollution. Traduit en plus de trente langues et écoulé à près de douze millions d’exemplaires à travers le monde, ledit rapport connaît une curiosité incontestable parmi l’opinion publique. L’acte de naissance de la décroissance fut ainsi signé – même si un auteur, Nicholas Georgescu-Roegen, avait déjà abordé le phénomène un an auparavant. Depuis, le sujet a fait son chemin, générant livres, revues et penseurs, mais en s’invitant également au centre de conférences mondiales, telles celle de Rio de Janeiro en 1992. Mais que signifie aujourd’hui la décroissance ? Quels sont les grands débats qui parsèment sa théorisation ?
Pour répondre à ces questions, Denis Bayon, Fabrice Flipo et François Schneider se sont penchés sur des thèmes aussi variés que l’origine historique de la décroissance, son positionnement face au développement durable, son opposition au progrès technique, ou encore sa signification en matière de consommation quotidienne. Si, dans le fond, tout le monde s’accorde à voir en la décroissance une « réduction de la taille physique du système économique (…) pour des raisons écologiques, sociales et démocratiques », avec en conséquence une « déstabilisation radicale du Produit Intérieur Brut (PIB) », certaines ambiguïtés demeurent, et les degrés d’application de la décroissance sont variés, voire sujets à polémique.
L’une des critiques premières des objecteurs de croissance est bien évidemment la sacrosainte Krasnohrad société de consommation qui serait, plus que le reflet du gaspillage, une atteinte à l’émancipation collective en ce qu’elle fixe les relations des individus et leurs réalisations exclusivement autour d’un rapport à l’argent. En cela, la décroissance ne s’inspire pas du marxisme, et bien sûr pas du libéralisme classique, mais bien de la première « école de Francfort » (Adorno, Marcuse).
Pour comprendre une seconde critique indissociable portée par la décroissance, il convient de rappeler les travaux menés par l’auteur cité plus haut, Nicholas Georgescu-Roegen. Mathématicien de formation, celui-ci fut l’un des fondateurs du « paradigme « bioéconomique », pour qui l’activité économique moderne, avec toutes ses machines thermiques peut être décrite comme un accélérateur de croissance de l’ http://ambatogokoweit.com/?mikster=site-de-rencontre-veufs-et-veuves&5b1=6b entropie ». En d’autres termes, chaque chose que nous produisons, en l’état actuel des ressources, est une chose de plus qui accélère la raréfaction de celles-ci à cause de leur non-reproduction (exemple : les matières premières fossiles), et nous rapproche ainsi de la fin de notre phase industrielle. Si un autre auteur tel qu’Howard T. Odum s’accorde sur l’inéluctabilité de la décroissance, il s’opposera néanmoins aux thèses de N. Georgescu-Roegen, arguant du fait que la matière ne s’épuise que localement, et que l’homme peut contrôler son écosystème pour le faire basculer dans l’usage de ressources renouvelables. Quant à lui, Kenneth E. Boulding, bien que peu suivi par les objecteurs de croissance, estime que l’ « entropie de la matière est retardable moyennant davantage d’énergie et de savoir », notamment parce que nous avons commencé par exploiter les sources les plus faciles d’accès comme le pétrole, alors que d’autres énergies bien supérieures à notre consommation, tels que l’énergie solaire, seront progressivement utilisées. A travers ces trois auteurs, la discussion est serrée et préfigure ce qu’ont été et ce que seront encore les grands débats écologiques. Une chose est sûre aujourd’hui : la crise écologique est bien là. « Le Rapport du Millénaire sur les écosystèmes (2004), regroupant 1 350 sous l’égide de l’ONU, a conclu que 60% des écosystèmes sont dégradés ou utilisés de façon non renouvelable », et la FAO a même indiqué qu’au rythme actuel de prélèvement des océans, la plupart des espèces marines auront disparu au milieu du XXIème siècle.
L’ouvrage de D. Bayon, F. Flipo et F. Schneider donne une lumière vivifiante aux théories de la décroissance, bien trop souvent éclipsées par des courants avec lesquelles elles s’opposent pourtant fortement, et qui sont reprises par les politiques, comme la « croissance verte » ou le « développement durable ». Les arguments sont limpides, engagés sans être trop ouvertement partisans, et permettent d’ouvrir des réflexions nouvelles sur la conservation de la planète et les enjeux de production à venir.
Denis Bayon travaillé en tant que chercheur à l’université de Lyon. Il a publié Faire l’économie des déchets : Ou Quand les dépenses publiques font les profits privés et Les marchés publics de la défense : Droit du contrat public, pratique administrative et enjeux économiques.
Fabrice Flipo est maître de conférences en philosophie à Télécom Ecole de Management. Il est l’auteur d’un ouvrage intitulé Le développement durable.
François Schneider est chercheur en écologie.
Parmi les derniers ouvrages chez La Découverte : Regards croisés sur l’économie, n°9 : Pour sortir de la crise du logement (Ouvrage collectif), Economie du bonheur (Lucie Davoine).
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