L’autre finance – Existe-t-il des alternatives à la banque capitaliste ? (Ed. du Croquant)
Face à un capitalisme passé au bord de l’implosion ces dernières années, on est en droit de se demander quelles sont les banques qui doivent être associées au système socio-productif actuel. La déréglementation financière, l’apparition de produits dérivés complexes, voire toxiques, le décloisonnement des banques de dépôts et des banques d’affaires (fin de facto du Glass-Stegall Act), le surendettement massif des Etats sont des phénomènes propres aux toutes dernières décennies, qui imposent de ré-envisager la place de la banque et de la finance dans nos sociétés.
N’oublions pas que dans cette crise, même les banques coopératives et mutualistes, censées être plus solides, ont souffert et n’ont pas été exemptes de tout reproche. « Si la BNP-Paribas et la Société Générale, anciennes banques publiques privatisées, se voient dotées respectivement de 2,55 milliards et 1,7 milliard d’euros, il est plus symptomatique de la dérive des « mutualistes » que le Crédit Agricole pour 3 milliards d’euros, le Crédit Mutuel pour 1,2 milliard, la Caisse d’Epargne pour 1,1 milliard et la Banque Populaire pour « seulement » 950 millions, participent à une opération parfaitement capitalistique », rappelle Philippe Naszályi. Des sommes considérables.
Daniel Bachet se penche donc en premier lieu sur la place que pourraient occuper les banques impliquées dans les circuits sociaux et solidaires. Plus proches des gens, à forte utilité sociale, ancrées dans des territoires locaux, parfois impliquées dans des projets de rencontre femmes europe de l'est microfinance, ces structures bancaires gagnent chaque jour en popularité. Muhammad Yuus, prix Nobel de paix, n’a-t-il pas réussi à populariser la finance alternative jusqu’à faire proclamer 2005 comme « l’année internationale du microcrédit » par l’ONU ?
Pour autant, si la microfinance s’est érigée comme alternative aux banques capitalistes, celle-ci s’est développée de manière différente à travers l’Europe. Dans les pays de l’Est, appuyés par les Etats-Unis et une logique néo-libérale, celle-ci a revêtit un caractère plus entrepreneurial, tandis qu’à l’Ouest, elle s’est traditionnellement construite en tant qu’outil d’inclusion sociale, visant des publics financièrement et socialement exclus. Encore aujourd’hui, il n’existe point de modèle unique. Mais de telles structures, en compagnie même des banques, peuvent-elles continuer à exister de façon pérenne si elles recherchent seulement la rentabilité financière ? Car, dans le fond, c’est toute l’action de la banque et la prépondérance du capitalisme actionnarial qui sont remises en cause à travers la crise. Il convient de se pencher sur le problème du mimétisme du capitalisme traditionnel qui guette les organismes de microcrédit, et plus généralement sur le problème auquel fait face une société dont les banques ne sont plus au service de l’économie.
De son côté, Philippe Naszályi s’efforce de retracer à travers une monographie brillante du secteur bancaire, comment les initiatives se sont multipliées en France au cours des siècles dernier afin de rapprocher l’économie de l’homme, que ce soit à travers la création des premières moralistically mutuelles proudhoniennes ou agricoles, les utopies communautaires ou simplement le catholicisme social.
Autre tendance particulièrement intéressante dans les structures bancaires : la religion. Dans l’un des chapitres de l’ouvrage, Laurence Attuel-Mendès se livre à une analyse des complémentarités et incompatibilité entre les grandes religions et le microcrédit. Sont notamment en cause les forts taux d’intérêts généralement associés à ces prêts (généralement plus de 25%). Comment les institutions de microfinance contournent-elles les barrières de la religion ? Comment, pour respecter la charia par exemple, ces organismes arrivent-ils à prêter de l’argent ?
Plus d’une dizaine d’auteurs se réunissent autour de L’autre finance afin d’explorer les nouvelles formes bancaires qui s’offrent à nous. Si tout le monde aura entendu parler de l’avènement du microcrédit, il n’en demeure pas moins que d’autres grandes tendances sont en train d’effectuer un retour notable, en particulier la place de la religion et la refondation des mutuelles. Un ouvrage très original, permettant de sortir des sentiers battus.
Daniel Bachet est professeur de sociologie à l’Université d’Evry, et directeur du département « Entreprise » au Centre d’études des systèmes et des technologies avancées (CESTA). Il est également l’auteur des ouvragesLes fondements de l’entreprise (éditions de l’Atelier, 2007) et Du travail à l’entreprise (éditions universitaires européennes, 2010).
Philippe Naszályi est directeur de La revue des sciences de gestion, il est aussi professeur à l’Université d’Evry.
Parmi les derniers ouvrages aux éditions du Croquant : Comment les Dominants Dominent (Collectid), Ne pas perdre sa vie à la gagner : Pour un revenu de citoyenneté (Baptiste Mylondo).
Pour en savoir plus sur les nouvelles publications, rendez-vous directement sur le site des éditions du Croquant.