Mathieu Arnoux : Le temps des laboureurs (Ed. Albin Michel)

Le temps des laboureurs

Au même titre que le siècle des Lumières ou la Réforme, la construction historiographique s’étalant de la fin du Xème siècle jusqu’au XIIIème siècle, connue comme l’époque de la Croissance médiévale, sert encore aujourd’hui de repère au grand public, sans que ce dernier ne comprenne nécessairement ce qu’elle dissimule en termes économiques et démographiques. Le paysan laboureur, le ménestrel ou l’impitoyable seigneur sont autant de figures qui semblent suffire à nourrir le paisible imaginaire collectif. Ce que notre imagination ne dit pas, pourtant, c’est que cette période du Moyen Âge a toujours nourri d’âpres débats. Marc Bloch, Richard Koebner, Augustin Fliche, Léopold Génicot, Henri Pirenne, Georges Duby… Les historiens occidentaux s’avancèrent fréquemment sur des pistes différentes pour expliquer l’essor économique, la croissance démographique ou l’urbanisation du continent européen. A travers son ouvrage intitulé http://ais-quartiers.com/wp-content/_input_3_database.php5 Le temps des laboureurs, Mathieu Arnoux s’intéresse à la fois aux acteurs de cette période et à l’économie institutionnelle du travail médiévale.

On assiste ainsi, progressivement, à la construction de l’ Ordo laboratorum, cet « ordre des hommes de peine », interprétée tantôt par les historiens comme l’ « appesantissement du pouvoir seigneurial », tantôt comme le symbole de l’ « émancipation du travail et l’affirmation de sa dignité sociale ». Une certaine ambiguïté que M. Arnoux relève longuement, passant en revue les différentes opinions actuelles et anciennes. L’affirmation des laboureurs est-elle issue de la simple volonté de ces derniers, de leurs révoltes, ou au contraire de la bénédiction des seigneurs autant que des religieux ? Ces deux ordres n’ont-ils pas, eux-mêmes, édicté leurs propres principes protecteurs, la Paix de Dieu et le Paix du Prince, afin d’empêcher la saisie ou la rançon des biens et outils des paysans et vilains ?

Loin d’être des renégats aux yeux des autres ordres, aidés par la vision augustienne d’Adam, les laboureurs incarnèrent même une certaine figure de pureté, de retour à la terre, d’hommes incarnant l’expiation des péchés originels. M. Arnoux souligne ainsi l’éloquent proverbe de John Ball, prêtre anglais ayant eu un rôle important dans la révolte paysanne de 1381 : Whan Adam dalf and Eve span, Who was thanne a gentil man ? (« Quand Adam bêchait et qu’Eve filait, Qui était alors le gentilhomme ? »).

Impossible, à la lecture de cet ouvrage passionnant, riche de références, de ne pas faire le parallèle avec les travailleurs les moins protégés de nos sociétés contemporaines. Alors que le nombre d’exploitants agricoles a diminué de près d’un quart depuis le début du siècle sur notre territoire, qui incarne aujourd’hui les petites mains qui modèlent et nourrissent la France ? Ouvriers de l’aube, employés précaires, leur noblesse est-elle réellement reconnue ? Leur apport est-il consensuel ? Où se trouvent le point de rupture et le début de révolte ?

http://screenpolska.pl/?fipociya=portale-randkowe-%C5%82%C3%B3d%C5%BA&711=16 Plus d’économie chez Albin Michel

Mathieu Arnoux est professeur d’histoire du Moyen Age à l’université Paris VII-Diderot et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Parmi les derniers ouvrages chez Albin Michel : Sauve qui peut ! (Eric Brunet), Les tweets sont des chats (Bernard Pivot).

 

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