Michael Lewis : Boomerang – Europe : voyage dans le nouveau tiers-monde (Ed. Sonatine)
Des tonnes et des tonnes de dettes. Après le basculement planétaire dû à l’éclatement de la bulle des subprimes, l’économie occidentale est aujourd’hui engluée dans une interminable crise des dettes souveraines. L’Islande, la Grèce, le Portugal, l’Italie, l’Espagne, la plupart des économies les plus faibles d’Europe se bousculent au portillon des Etats déclarés en faillite ou en manque de liquidités. Rares furent les cassandres à viser juste, en annonçant avec précision les deux crises. Michael Lewis, auteur fameux depuis la publication de l’inoubliable Liar’s poker, effectue désormais un périple au pays des économies cassées, à travers son dernier ouvrage, Boomerang.
Ce voyage débute ainsi par le récit de multiples visites à Kyle Bass, ce manager du Hedge Fund Hayman Capital, basé au fin fond du Texas, et avec qui l’auteur avait déjà eu l’occasion d’échanger bien avant les premières faillites bancaires liées au marché hypothécaire américain. Lors d’un second entretien entre les deux hommes, en plein 2008, et alors que son hôte s’était déjà considérablement enrichi en pariant sur un retournement du marché, sa préoccupation était désormais tournée vers l’accumulation vertigineuse de dette publique en Europe. Face à ce qu’il jugeait être un non-sens économique total, Kyle Bass avait décidé d’acheter massivement des contrats pour parier sur un non-remboursement de la dette, notamment de la part du pays hellène. Vendus une bouchée de pain à l’époque, ces CDS (Credit Default Swaps) allaient rendre l’interlocuteur de Michael Lewis une nouvelle fois riche. Simple coup du hasard ou bon sens financier ?
L’ensemble de l’ouvrage de Michael Lewis est constitué de ce genre de voyages passionnants, d’observations de quidam, afin de comprendre les origines d’une crise mondiale à travers des mots simples, loin des jargons financiers, tout en étant empreint d’une sérieuse dose d’humour. Comment ne pas sourire à l’évocation des déboires de la compagnie Alcoa, chargée d’établir une usine d’aluminium en Islande, et qui doit faire face à deux problèmes : le premier étant de contrôler la propension naturelle des Islandais à vouloir s’occuper de tout dans une usine, y compris ce qui les dépasse, et le second étant l’impérieuse nécessité de s’assurer qu’un site n’est pas possédé par des elfes avant de vouloir s’implanter ? En Grèce, c’est la joyeuse anarchie dans laquelle se plaisaient à vivre les grecques qui surprend le lecteur. Jusqu’en 2008, le pays ne disposait pas de bureaux statistiques indépendants. Personne ne comptabilisait réellement la dette. Les agents du fisc ne sortaient jamais faire de collecte d’impôts en période électorale. Les banques grecques n’ont pris aucun pari sur les subprimes ou autres produits toxiques, c’est simplement l’Etat qui les as pillées en ne remboursant pas l’argent qu’elles leur avaient prêté. Un employé ferroviaire public touche en moyenne 65 000 euros par an. Et la liste des incongruités du système hellène ne cesse de s’allonger à mesure que l’on franchit les pages de l’ouvrage.
L’auteur se plait à souligner à quel point le hasard, l’ignorance ou tout simplement le caractère humain font tourner l’économie la plupart du temps, et combien les équations financières, même les plus sophistiquées, ne pourront l’encadrer totalement. Jamais les constats ne sont réalisés avec arrogance ou moquerie. Aux origines de la crise, l’on observe sans cesse le même type de comportement, peu importe l’endroit du globe où Michael Lewis nous emmène : une bonne dose de laisser-aller, et l’étonnante propension à se laisser vivre aux crochets des autres (Etat, voisins, pays limitrophes ou institutions internationales).
Michael Lewis est un auteur américain à succès. Ancien employé de Salomon Brothers, il démarre sa carrière d’écrivain en publiant le best-seller Liar’s Poker en 1989. En 2003, il publie Moneyball: The Art of Winning an Unfair Game, adapté au cinéma en 2011 et dans lequel joue Brad Pitt.
Parmi les derniers ouvrages aux éditions Sonatine : Le casse du siècle (Michael Lewis), 5e Avenue, 5 heures du matin (Sam Wasson).
Pour en savoir plus sur les nouvelles publications, rendez-vous directement sur le site des éditions Sonatine.