Les rémunérations des dirigeants : Rapport Houillon

Rapport Houillon sur la rémunération des dirigeants

Philippe Houillon (UMP, Val d’Oise), rapporteur de la mission d’information et de la commission des lois sur les nouvelles régulations de l’économie vient de rendre son rapport parlementaire sur la rémunération des dirigeants. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le rapport Houillon ne fait pas dans la dentelle. Fustigeant le capitalisme débridé et qualifiant d’inadmissibles les différences de revenus entre les dirigeants des grandes entreprises et les salariés ordinaires, celui-ci passe en revue les abus auxquels nous avons pu assister ces dernières années. Découvrez les grandes dérives soulignées par les députés.

http://lesfoulees43.fr/?kykywka=sexe-rencontre-sur-castres&94e=43 Les rémunérations des dirigeants : une évolution difficilement explicable

Comme souligné dans le rapport, dont les premiers éléments furent mis en lumière par L’Express, la mission d’information mise en place en décembre 2008 et composée d’une dizaine de membres a pris « une résonance particulière avec la révélation d’émoluments aux montants exorbitants consentis dans des sociétés et des établissements financiers mis à mal par des erreurs stratégiques de leur management ».

Sont rapidement mises en exergue les « abus inadmissibles » ainsi que les inégalités de revenus inexplicables entre certains dirigeants et leurs salariés, rappelant que, selon l’institut français des administrateurs (IFA), la rémunération moyenne des premiers a progressé de 15% par an entre 1997 et 2007, alors que celle des salariés n’a évolué, elle, que de 3% en rythme annuel. « Selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERCS), le revenu médian annuel des Français s’établissait en 2007 à 15 780 euros pour une personne seule et 23 664 euros pour un couple, le revenu moyen des responsables des plus grosses entreprises se situait, quant à lui, aux alentours de 5 millions d’euros, soit de 208 à 312 fois plus. Pour compléter ce constat édifiant, les députés rappellent que « depuis le début des années 2000, il ne s’est jamais passé plus de trois ans en France sans qu’un scandale sur la rémunération ou les indemnités de départ d’un dirigeant de grande entreprise cotée éclate » (Messier, Forgeard et Zacharias, Tchuruk et Russo, Morin).

Force est de constater que la majorité des dirigeants d’entreprise n’évolue pas le même monde, leur revenu moyen étant estimé à 38 500 par an selon une étude publiée en 2006 par le journal La Tribune. Mais les dirigeants français eux-mêmes n’évoluent pas dans la cour des plus grands, bien que particulièrement dotés vis-à-vis de leurs homologues européens. Le rapport Houillon nous fait ainsi part d’une comparaison France / Etats-Unis assez éloquente :

http://ocan.com.mx/?chydesa=app-conocer-gente-mugardos&066=21 Comparaison des rémunérations globales pour 2007 de quelques dirigeants français avec celles de leurs homologues américains

Hatton Secteurs FRANCE ÉTATS-UNIS
Banques Baudoin Prot (BNP-Paribas) 3,3 millions d’euros Lloyd Blankfein (Goldman Sachs) 70,3 millions de dollars
Daniel Bouton (Société générale) 3,2 millions d’euros Richard Fuld (Lehman Brothers) 40 millions de dollars
Georges Pauget (Crédit agricole) 2,1 millions d’euros James Dimon (JP Morgan Chase) 30,4 millions de dollars
Michel Lucas (Crédit mutuel) 1,4 million d’euros John Thain (Merrill Lynch) 17,3 millions de dollars
Charles Milhaud (Caisse d’épargne) 1,6 million d’euros Kenneth Lewis (Bank of America) 16,4 millions de dollars
Industrie automobile Carlos Gohsn (Renault)
2,7 millions d’euros
Rick Wagoner (General Motors) 15,7 millions de dollars
Christian Streiff (PSA)
1,9 million d’euros
Alan Mulally (Ford)
22,8 millions de dollars


Alors même que le sens économique de ces niveaux de rémunérations porte à réflexion, les dirigeants de grandes entreprises ne prenant absolument pas les mêmes risques que ceux des PME qui sont, eux, bien plus exposés, c’est aussi la dimension morale qui inquiète les députés. Ces derniers signalent avec mordant que, « si l’on rapporte l’utilité sociale d’un dirigeant mandataire social à celle d’un chirurgien, d’un gardien de la paix ou d’un pompier, on peut légitimement s’interroger sur le fossé financier qui les sépare ». Ces dirigeants finissent même par être qualifiés par les députés de « gestionnaires mercenaires » !

Des bonus « dévoyés », des plans d’intéressement et de participation qui ne profitent plus aux salariés

Alors que chez les dirigeants de société réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 10 milliards d’euros, la part du bonus annuel représente près d’un quart de la rémunération totale (Etude Hay Group), le rapport Houillon remarque que les conditions d’attribution de celui-ci sont souvent déconnectées de la santé économique de l’entreprise. En témoigne le versement d’un bonus de 1,59 million d’euros au PDG de Suez en 2003, tandis que la société annonçait des pertes de 2,3 milliards d’euros. Même extravagance pour les versements à des responsables non exécutifs, siégeant simplement au conseil d’administration en leur qualité d’anciens dirigeants, et qui ne sont pas impliqués dans la gestion journalière de l’entreprise (L’Oréal, Total, Vinci).

Quant aux stock-options – sorte de plan d’intéressement et de participation au capital, bien qu’elles puissent être attribuées à l’ensemble du personnel, celles-ci profitent la majeure partie du temps à la classe dirigeante, comme en témoigne ce comparatif érigé par l’AMF :

Proportion de stock options réservées aux dirigeants de certaines sociétés du CAC40

Sociétés Proportion réservée aux dirigeants Nombre de dirigeants bénéficiaires
Vallourec 31 % 4 (en 2007)
Vinci 31 % 13 (en 2006)
Société générale 30 % 11 (en 2007)
Renault 22 % 7 (en 2007)
Axa 21 % 6 (en 2008)
Bouygues 19,5 % 12 (en 2007)
Alstom 18 % 6 (en 2007)
Air Liquide 17 % 11 (en 2007)
EADS 8 % 2 (en 2006)
Total 5 % 3 (en 2007)


La question épineuse des « parachutes dorés » et des « retraites chapeaux »

Force est de constater que les indemnités de départs, ou « parachutes dorés », sont aussi devenues habituelles, puisqu’elles concernaient début 2009 près de 80% des dirigeants du SBF 120, selon une étude du cabinet Hewitt. « L’absence de lien systématique entre le versement d’une rémunération différée substantielle, au moment du départ d’un dirigeant de société et la réalisation effective d’objectifs de performance économique par celui-ci, a (…) de quoi choquer », notent les députés.

Le rapport Houillon donne ainsi l’exemple de l’ancien président exécutif d’EADS, Noël Forgeard, poussé vers la sortie à cause de retards de livraisons liés à l’Airbus 380, et qui aura finalement perçu 8,2 millions d’euros alors que le groupe licenciait près de 10 000 personnes. Sont également mis en lumière ceux qui dérogent à la pratique, tels Pierre Bilger (ex-PDG d’Alstom qui a refusé ses indemnités) ou Louis Gallois (actuel président exécutif d’EADS, qui aura tout bonnement refusé dès son embauche de bénéficier d’un tel système).

Les députés se montrent tout aussi critiques à l’égard des « retraites chapeaux », plus méconnues mais tout aussi redoutables, et qui « garantissent à leurs bénéficiaires un niveau de pension prédéterminé, correspondant à un pourcentage du dernier salaire perçu ». Carrefour aurait ainsi dû provisionner dans ses comptes près de 29 millions d’euros pour assurer une retraite annuelle de 1,2 million d’euros à son ancien PDG Daniel Bernard, décision finalement révoquée par la Coup d’appel de Paris.

La rémunération des traders, elle aussi épinglée

Quant au mécanisme de rémunération des opérateurs financiers, celui-ci subit également de fortes critiques. Modalités de distribution floues, taux de bonus fortement hétérogènes entre les diverses lignes de métiers de la banque, mécanique profondément inégalitaire. Exemple avec les traders et vendeurs qui toucheraient en moyenne 376 000 euros de bonus, contre 80 000 pour les métiers support. « Conséquence de ces distorsions de rémunérations, ceux qui veillent à la régularité et à la sécurité des activités réalisées par les traders et les vendeurs avec les fonds de leur établissement sont considérablement moins bien rémunérés que ceux qui prennent des positions sur les marchés, certes potentiellement lucratives mais aussi très risquées. Les germes des dysfonctionnements récents du système financier résident dans cette situation paradoxale, où l’appât du gain est davantage récompensé que la certitude de rentabilité», concluent le rapport.

Plus singulier encore, ces mêmes opérateurs anonymes sont parfois bien mieux lotis que leurs dirigeants ! Et les députés de rappeler qu’en 2007, le PDG du conseil d’administration de la Société Générale ne figurait qu’au 44ème rang des rémunérations les plus élevées de la banque qu’il dirigeait.

Réactions face à la dérive

Longtemps tenues à l’écart de l’opinion publique, les rémunérations des dirigeants et des opérateurs financiers ont fini par être révélées par les médias au gré des scandales marquant la dernière décennie. En dépit d’un encadrement législatif accru en matière de fiscalité ou de transparence, force est de constater que les dérives n’ont pu être suffisamment endiguées, faisant surgir la nécessité d’une harmonisation au plan international. Créé en 2007 par le MEDEF et l’AFEP, le code de bonne conduite censé encadrer les rémunérations des mandataires sociaux est par ailleurs critiqué, non pas sur le fond, mais sur ses résultats jugés insuffisants.

Concernant la France à proprement dit, le rapport Houillon préconise l’utilisation de l’instrument fiscal, avec discernement, afin de lisser les « effets revenus », sans toutefois remettre en cause le bouclier fiscal apparu fin 2005. Cela pourrait par exemple s’appliquer aux régimes d’imposition des stocks options, sur les recommandations de l’association Croissance Plus : plus les salariés bénéficiaires des plans d’options seraient nombreux, plus le taux forfaitaire d’imposition serait minoré.

La recommandation la plus forte du rapport, déjà avancée par le MEDEF et l’AFEP, est sans conteste celle qui affirme que « la rémunération des dirigeants mandataires sociaux doit être fixée en tenant compte de l’intérêt général de l’entreprise ». Une telle mesure laisserait aux actionnaires la possibilité de faire annuler par un juge la rémunération d’un dirigeant, si ceux-ci la considèrent excessive ou injustifiée.

Suite aux dérives récentes, les organisations professionnelles des entreprises avaient annoncé la création en Avril 2009 d’un comité des sages chargé de promouvoir et faire appliquer les principes de mesure, d’équilibre et de cohérence des rémunérations des dirigeants, notamment pour les sociétés en difficulté. Les députés préconisent purement et simplement de donner un caractère plus solennelle au comité, rendant sa saisine plus étendue (ne plus se limiter aux entreprises recourant massivement au chômage partiel ou à des plans sociaux), voire systématique (notamment pour les plans sociaux détruisant plus de 1 000 emplois).

Une limite renforcée concernant le cumul des mandats sociaux (jusqu’ici limités à 5) est aussi conseillée (3). « À titre d’illustration, on mentionnera que M. Thierry Desmarest, président du conseil d’administration de Total, est également administrateur de Sanofi-Aventis, d’Air Liquide, de Renault et membre du conseil de surveillance d’Areva ».

Une des dernières recommandations phares : revoir le système des retraites chapeaux dont bénéficient certains dirigeants privilégiés, ou se diriger directement vers un régime de retraite par capitalisation le cas échéant.

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Catégories : Politique | Tags : , | 2 commentaires

(2) commentaires

  1. Bonjour,
    Moi aussi je trouve aberrant les salaires des grands dirigeants et leurs retraites chapeaux et autres parachutes dorés. Mais les mêmes députés qui critiquent ces salaires trop élevés sont aussi très bien lotis et bénéficient aussi d’une retraite chapeau, comme le montre ce lien:
    http://cozop.com/le_buzz_quotidien/les_salaires_des_deputes_et_leurs_avantages

  2. @ Peter’s : le problème des rémunérations pour les hommes politiques tient d’ailleurs en grande partie du cumul des mandats.

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