Arlette Heymann-Doat : Guerre d’Algérie – Droit et non-droit (Ed. Dalloz)

Une carte de l'Algérie pour illustrer le livre d'Arlette Heymann-Doat sur la guerre d'Algérie et le droit

Et si nous observions la colonisation, puis la guerre d’Algérie, à travers le prisme du droit ? Autrement qu’à travers les massacres, les vols ou les déplacements de population, comment s’est exprimée cette période trouble d’un point de vue légal ? C’est à ce travail rigoureux que s’est attelée Arlette Heymann-Doat, à travers son ouvrage, Guerre d’Algérie – Droit et non-droit.

célibataires à millau Après une expédition militaire sans lendemain, des colons faits citoyens, et des indigènes faits sujets

Car, comme le rappelle l’auteur et ce dès les premières pages, du droit a bien été produit en Algérie, « il a été conçu pour le contraire de ce que son image peut représenter : il a été porteur de l’injustice, de la barbarie, de l’impunité ». Les ordonnances, décrets, lois, discours, communiqués ou témoignages fourmillent à travers un ouvrage de grande qualité.

A. Heymann-Doat choisit d’analyser le droit (et le non-droit) sous trois grandes périodes.

D’abord celle de la le cannet rencontre sur gratuit conquête de l’Algérie, à partir de l’expédition d’Alger (1830) qui donne une place de premier choix aux militaires. Le général Bourmont, par la convention du 5 juillet 1830, s’engagea ainsi à protéger la liberté des habitants, leur religion, leur propriété, leur commerce. Ce qui ne sera pas respecté, en témoigne le rapport parlementaire d’Alexis de Tocqueville (1847), dénonçant le saccage et les spoliations auxquels se livre l’administration sur les terres algériennes, la conjurant même de ne pas continuer dans cette voie afin de ne pas créer un véritable bain de sang sur le long terme.

Une tentative d’égalité apparaîtra pourtant sous Napoléon III, qui désirait « l’égalité parfaite entre les indigènes et les Européens », ce qui sera retranscrit par deux senatus-consulte (1863, 1865) rétablissant le droit de propriété et la citoyenneté. Mais, comme le note l’auteur, « la chute de l’Empire [permit aux colons] de clore cette parenthèse ».

C’est par la suite que naît l’opposition linguistique entre les « colons » ou Français et les « indigènes », aussi qualifiés d’ « arabes » ou de « musulmans », « faisant fi de la diversité culturelle de l’Algérie ». Et c’est bien là que naît le droit à l’inégalité, avec un droit réservé aux Français, et un autre aux colonisés. Le législateur ne fera que peu d’avancées pour atténuer les différences entre les « Français musulmans d’Algérie » et les « Français non musulmans ». A. Heymann-Doat prend en exemple l’ordonnance du 7 mars 1944, un exemple parmi tant d’autres, pour expliquer que le « législateur n’arrivait pas à concevoir qu’on puisse être français et musulman ».

Les infractions spéciales à l’indigénat sont des faits qui, en dehors des contraventions prévues et punies par la loi française, sont de nature à entraver l’action politique et administrative de nos fonctionnaires civils sur les populations indigènes.

Lois annotées, 1882, p.294

S’en suit une rencontre coquines allauch seconde période, la Guerre d’Algérie. Reçu à coups de tomates à Alger en 1955, Guy Mollet finira par demander les « pouvoirs spéciaux » de la part de l’assemblée, ce qui le fera disposer en « Algérie des pouvoirs les plus étendus pour prendre toutes les mesures exceptionnelles commandées par les circonstances, en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire ». Il suffit de lire entre les lignes pour comprendre les dérives que pouvaient signifier ces dits pouvoirs.

Les militaires s’installèrent définitivement en première ligne, avec la prise de pouvoir du général Salan (1958). L’époque est celle des attentats (Front de libération nationale en novembre 1954), de l’enlisement politique mais également de la « pacification », où toute critique contre l’armée est vécue comme une « entreprise de démoralisation ». La bataille d’Alger (1957) montre d’ailleurs toute l’étendue de la « recherche du renseignement », avec la généralisation de la torture. A ce titre, A. Heymann-Doat souligne le témoignage du Secrétaire général de la préfecture d’Alger, Paul Teitgen, qui manqua de moyens juridiques pour contrôler ces actions, et finit par démissionner, impuissant, « affirmant sur l’honneur que la torture est devenue un procédé couramment utilisé ». En somme, la justice était devenue militaire.

Un volet enfin très intéressant du droit fut l’extension de la répression… à la métropole. « La loi de reconduction des pouvoirs spéciaux du 26 juillet 1957 permit l’assignation à résidence sur le territoire métropolitain de personnes condamnées pour certains actes ». L’ordonnance du 7 octobre 1958 généralisa le procédé. Le 6 octobre 1961, le préfet de police, Maurice Papon, annonça un couvre-feu pour les « travailleurs algériens ». C’est le drame : « il provoqua la manifestation du 17 octobre, qui fut réprimée par la police parisienne de façon tragique, faisant plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de morts ».

Il est conseillé, de façon la plus pressante, aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne et plus particulièrement de 20h30 à 5h30 du matin.

Communiqué du préfet de police, Maurice Papon, du 6 octobre 1961

SI l’indépendance de l’Algérie est reconnue le 3 juillet 1962, cela ne signifie pas pour autant la fin d’une période de non-droit pour les Algériens. Il s’agit simplement du commencement d’une troisième période, allant de l’impunité à une égalité tardive. A. Heymann-Doat note que « le rôle du droit ne fut pas plus glorieux que pendant la guerre. Il fut d’éviter toute mise en jeu de la responsabilité des acteurs d’actes criminels ». Pis encore, l’amnistie « empêchait la divulgation par la presse de faits criminels amnistiés ».

Ce n’est qu’en février 2011, « après deux cents ans d’inégalité, [que] le droit à l’égalité [fut] enfin reconnu », entre « Français d’outre-mer » et Harkis. Le Conseil constitutionnel, sur saisine du Comité « Harkis et Vérité », reconnût le droit de ces derniers à bénéficier d’aides et allocations, jusqu’ici subordonnées à la possession de la nationalité française.

L’ouvrage dispense une bonne dose de culture sur la trouble histoire de la France et de l’Algérie. Vu la qualité du livre, et son prix, aucune excuse n’est valable pour ne pas approfondir sa compréhension des relations historiquement tendues entre les deux pays.

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Arlette Heymann-Doat est professeur émérite de droit public à l’Université de Paris-Sud.

Parmi les derniers ouvrages chez Dalloz : Finance d’entreprise 2012 (Pierre Vernimmen), Lexique des termes juridiques 2012 (Serge Guinchard, Thierry Debard).

 

Pour en savoir plus sur les nouvelles publications, rendez-vous directement sur le site des éditions Dalloz.

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Un commentaire

  1. Bjr,je recherche les coordonnées de Mme Arlette Hermann-Doat.merci

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