G. Bell & J. Gemmell : La mémoire éternelle, le projet Total Recall (Ed. Flammarion)

total recall

Voici un livre visionnaire, qui effraie autant qu’il fascine. Expérience technologique radicale, il annonce la dernière étape de l’union à venir de l’humain et du digital : l’enregistrement intégral de notre vie dans le champ numérique. Plaidoyer enthousiaste et idéaliste pour la substitution d’une mémoire virtuelle, infaillible et infinie, à notre dérisoire mémoire humaine, limitée et imparfaite, ce livre d’un chercheur de Microsoft , préfacé par Bill Gates, raconte comment il a transposé petit à petit tous les pans de son existence dans son ordinateur afin de ne plus jamais rien oublier.

site de rencontre age d'or Le logiciel My life bits

Fin des années 90, l’auteur, Gordon Bell, souhaite en finir avec la paperasserie et “tout enregistrer et conserver” en format numérique. Enfievré de s’être délesté de ce qu’il considérait comme un “poids”, il entreprend d’aller plus loin et conçoit le logiciel “My life bits” jouant sur le double sens du mot bits, unités de stockage et parties. Celui-ci lui permettra de rassembler et d’organiser la plupart des aspects de sa vie, photos, musique, document, emails, recherches internet. Mais pas seulement, l’auteur s’équipe d’un appareil photo qu’il porte autour du cou et qui se déclenche automatiquement à tout changement de lieu… Ainsi, rien n’échappe à ce travail d’archivage, tous ses e-souvenirs sont référencés et rangés.

http://lesfoulees43.fr/?kykywka=rencontre-intime-chelles&1f9=89 Les technologies qui rendent possible la mémoire virtuelle

Pourquoi peut-on penser que l’avènement d’une mémoire virtuelle est aujourd’hui, sinon inéluctable, du moins facilité ? Tout d’abord, nous utilisons en permanence des appareils qui enregistrent nos vies, smarthphones, appareils photos, etc., avec lesquels nous gardons des souvenirs des évènements vécus, des liens avec les gens que nous côtoyons. Deuxième raison, la diminution spectaculaire des coûts de stockage de données, rendue possible grâce aux progrès techniques sur les composants mais également au cloud computing. Qui se soucie de l’espace disponible sur sa boite mail, son ipod ou son ordinateur maintenant ? Enfin, les outils de recherche sont aujourd’hui bien plus puissants. Il est possible de repérer un visage, un mot parmi des milliers de photos, idem pour les mails.

http://atl-minibus.fr/index.php?3x=3x Des atouts indéniables

Alors, que faut-il en penser ? L’auteur, early adopter, développe plusieurs arguments pour nous rallier à sa cause. Premier atout: une mémoire sans faille. Avec l’enregistrement de nos souvenirs, fini les oublis et les pertes de mémoires. Tout notre passé sera archivé à jamais et facilement consultable. Le travail gagnera en efficacité et en productivité avec cette masse d’informations à disposition. L’éducation sera elle aussi bouleversée par la possibilité d’enregistrer les cours, d’y assister à distance et de les enrichir de commentaires. Enfin, la santé. L’auteur, victime d’une attaque cérébrale, insiste particulièrement sur ce sujet. Partant du constat qu’aujourd’hui, l’information recueillie sur notre corps au longs de notre vie, est dispersée entre de multiples interlocuteurs et qu’elle n’est ainsi pas utilisée de façon optimale, il plaide pour que chacun puisse recueillir soi même ces données et les analyser afin de mieux prendre soin de soi-même.

Les faiblesses de l’ouvrage

Emporté par son enthousiaste parfois naïf, l’auteur égrène les possibilités mirifiques offertes par cet incontestable progrès technique, mais oublie, précisément, de s’attarder sur les implications philosophiques et psychologiques d’un tel renversement des habitudes. La faculté d’oubli semble un besoin humain. Comment avancer et se projeter dans l’avenir si la masse des souvenirs nous accompagne, immédiatement mobilisable, à portée de clics ? Où placer alors nos “mauvaises vies” à oublier ? On ne lit pas grand chose non plus sur la protection de la vie privée. L’auteur suppose que chacun gère son lifelogging de façon privée et hors-ligne. C’est négliger la prédominance des réseaux sociaux et le fait qu’aujourd’hui la mémoire est non seulement numérique, online mais également sociale, c’est-à-dire partagée. On regrette que les risques de malveillance, d’usurpation d’identité, de surveillance étatique1 façon Big Brother, etc ne soient pas traités plus en profondeur.

Expérience visionnaire, descriptif idéaliste des possibilités offertes par l’irrésistible avènement de la mémoire numérique, on ne sort pas totalement rassuré de cette lecture et on regrette que l’auteur rate l’aspect fondamental du partage de la mémoire dans sa dimension online et sociale, si présent aujourd’hui. Reconnaissant néanmoins son aspect prophétique, puisque ce discours sur la nécessité de confier notre mémoire aux ordinateurs est aujourd’hui largement repris. Eric Schmidt, CEO de Google, en faisait l’éloge lors de sa keynote au dernier Mobile World Congress. Certaines start-ups se lancent même sur le créneau. Ainsi le site memorylane.com se propose d’agréger en une seule timeline l’ensemble des évènements de votre vie online, photos, tweets, commentaires Facebook, etc…

Plus d’ouvrages chez Flammarion

Gordon Bell et Jim Gemmell sont des chercheurs américains, employés de Microsoft Research.

Parmi les ouvrages parus récemment chez Flammarion : Internet, et après ? (Dominique Wolton), Qu’ils s’en aillent tous ! (Jean-Luc Mélenchon).

 

[1] voir à ce sujet le livre polémique sur l’utilisation du Net par les dictateurs, Evgeny Morozov, The Net Dillusion, the dark side of Internet freedom.

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