H. De Soto : Le mystère du capital (Ed. Flammarion)

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Paru en 2000, ce livre garde toute son actualité tant l’ambition de son propos est grande : comment expliquer l’échec du capitalisme dans de nombreux pays en développement et ex pays communistes? Qualifié par Bill Clinton de “sans doute le meilleur économiste vivant”, le péruvien Hernando de Soto adopte le problème d’un angle juridique. Faute d’un droit de la propriété unifié et reconnu, l’ensemble des biens détenus par les pauvres hors de la “cloche de la verre”, soit en dehors de la loi officielle, ne peuvent être intégrés aux circuits économiques qui pourraient permettre d’en dégager du capital supplémentaire. Clair, didactique et précis, cet ouvrage nous séduit par son analyse lumineuse et originale.

http://simprof.pl/?myrka=singiel-na-szlaku&990=2e Les pauvres sont riches, mais d’un capital mort

Inspiré par l’approche de terrain prônée par l’économiste Ronald Coase, Hernando de Soto et son équipe ont longtemps arpenté les rues de Lima, Port-au-Prince, Manille, Mexico et du Caire afin d’évaluer le capital dont disposait les pauvres et la difficulté à le faire entrer dans la légalité. Après avoir ouvert une boutique de vêtements à Lima, ils constatent qu’il faut 289 jours à raison de 6 heures par jour pour l’enregistrer en bonne et due forme ! Entrer dans la légalité étant davantage coûteux en temps et en argent que l’illégalité, des vastes pans de l’économie se tiennent hors du contrôle de la loi et demeurent souterraines.

Ainsi, selon les estimations de l’Institut pour la Liberté et la Démocratie (ILD) qu’a fondé Hernando de Soto, l’ensemble des biens acquis par les pauvres représentent une somme de 9,300 milliards de dollars, soit 93 fois l’aide au développement accordé par les pays avancés entre 1989 et 1999 au tiers monde. Mais ce capital, principalement immobilier, est “mort” : ses détenteurs ne peuvent le faire fructifier car il est détenu en dehors de la loi et donc des dynamiques de marché.

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Toute la magie du capitalisme, c’est que les biens mènent une existence parallèle. Une propriété clairement établie permet de garantir un crédit par une hypothèque, de réclamer l’exécution de contrats aux tribunaux, de contenir des risques par des systèmes d’assurance, de créer des sociétés par actions permettant de lever davantage de capitaux, etc.. Revenant aux théoriciens originels de l’économie moderne, Smith et Marx, l’auteur nous rappelle que le capital n’est pas l’argent, car il “ne peut aucunement fixer le potentiel abstrait d’un bien donné pour le convertir en capital”. Le capital est une “valeur dormante” activée par la propriété, “qui apporte le processus, le formalisme et les règles de fixation des biens dans un état qui permettra de les réaliser en tant que capital actif”.

L’auteur détaille les six effets qui découlent de la propriété privée: la capacité de mesurer précisément la valeur économique des biens, unifier dans un même système juridique des informations jusque là éparpillés, établir les responsabilités de chacun, rendre les biens fongibles, c’est-à-dire, divisibles en parts, créer des liens sociaux en créant un réseau d’agents qui peuvent interagir et échanger entre eux et enfin protéger les transactions. En creux, la propriété est le socle d’un marché efficient, où le capital circule librement pour alimenter les investissements et in fine permettre la division du travail.

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Une idée forte du livre est de tracer un parallèle entre la révolution industrielle que vivent les pays du tiers monde et celle qu’a connu l’Occident au début du 19e siècle, à la différence “que cette nouvelle révolution déferle bien plus vite et transforme l’existence d’un bien plus grand nombre de gens”. Suite aux progrès dans l’exploitation agricole, des millions de gens ont déserté les campagnes pour tenter leur chance dans les villes. Mais “l’ordre juridique s’est avéré incapable de suivre le rythme”. Alors ces nouveaux migrants se sont organisés entre eux et fondés des arrangements sur des liens de confiance face à l’inadéquation du dispositif légal face à leur réalité quotidienne.

A cet égard, l’exemple des États-Unis est instructif. Il illustre parfaitement que pour avoir du sens, la loi officielle ne peut être légitime si une partie de la population vit en dehors d’elle. Une des composantes fondamentales de la prospérité américaine a résidé en sa capacité à transformer des dispositifs légaux informels et divers en un régime de propriété unifiée durant la seconde moitié du 19e siècle. Lorsqu’en 1862, le Congrès adopte le “Homestead Act” qui accorde 160 acres à tout colon qui s’engage à y vivre 5 ans et à l’améliorer, il ne fait que reconnaître la force des arrangements extra légaux existants et mettre la loi officielle “élitiste” à la page de “l’ordre nouveau imposé par les migrations massives et les besoins d’une société ouverte et viable”.

Plaidoyer pour une action immédiate et concrète

Puisque la solution dépend du droit qui “fixe et matérialise le capital”, l’auteur appelle à la reconnaissance pour les pauvres de méta-droits, du droit d’avoir des droits de propriété. A l’origine d’une importante réforme agraire menée au Pérou, on trouve en guise de conclusion une véritable méthodologie d’action aux gouvernants pour réintégrer dans le giron du droit officiel l’économie souterraine. Si on regrette par moments quelques répétitions et le vide conceptuel au sujet des éclatants succès de la Chine, l’Inde et le Brésil lors de la dernière décennie, ce livre apporte néanmoins un éclairage nouveau sur le sujet et donne l’espoir de solutions actionnables.

Plus d’ouvrages chez Flammarion

Hernando de Soto est un économiste péruvien, connu pour ses travaux sur l’économie informelle et l’importance des droits de propriété dans les pays en voie de développement.

Parmi les ouvrages parus récemment chez Flammarion : Internet, et après ? (Dominique Wolton), Qu’ils s’en aillent tous ! (Jean-Luc Mélenchon).

 

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